Communiqué de presse
Reconnaissance patrimoniale exceptionnelle pour les ornements liturgiques de l’atelier Dormal-Ponce
Un ensemble rare de textiles liturgiques issus de l’atelier Dormal-Ponce a fait l’objet d’une double reconnaissance patrimoniale par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
« Avec cette décision la Fédération Wallonie-Bruxelles souligne l’importance historique et artistique de ces pièces uniques, témoins d’un savoir-faire textile d’exception. Quatre pièces ont été classées comme trésors, en raison de leur valeur patrimoniale exceptionnelle. Parallèlement, sept autres éléments ont été inscrits sur la liste de biens d’intérêt patrimonial, reconnaissant leur caractère remarquable. C’est ainsi l’occasion d’offrir un coup de projecteur unique sur l’atelier textile Dormal-Ponce, fondé par Pierre-François Dormal et Charles-Joseph Ponce, qui s’est illustré par la qualité remarquable de ses broderies liturgiques baroques. L’une de ces créations sera d’ailleurs portée lors des Vêpres Gouyasse, célébrées chaque année le samedi précédant la Ducasse d’Ath le 23 août » déclare Elisabeth Degryse ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Ces textiles, réalisés dans le cadre de l’atelier Dormal-Ponce, illustrent la richesse de la paramentique - à savoir l'ensemble des vêtements, coiffes, parements et ornements utilisés dans les cérémonies religieuses -, un patrimoine matériel souvent méconnu, mais essentiel à la compréhension des pratiques religieuses, des techniques artisanales et de l’art textile en Belgique.
Un atelier d’exception au cœur du XVIIIe siècle
Fournisseur de nombreuses cathédrales et abbayes l’atelier textile Dormal-Ponce se distingue par la richesse de ses matériaux, la virtuosité de ses techniques et la finesse de ses compositions. Une recherche scientifique (associant l’UCL, la KUL et l’IRPA) lancée à la suite de la redécouverte d’un ornement sur le marché de l’art parisien, a permis de reconstituer un corpus de 18 ornements attribués à cet atelier. Ce travail a donné lieu à une exposition majeure « Habiller le Culte. Les fastes du textile liturgique de la cathédrale de Tournai » qui s’est tenue en 2021 au TAMAT (Musée de la tapisserie et des arts textiles à Tournai) et a donné lieu à la publication d’un catalogue de référence. Fait rare dans le domaine du textile liturgique, souvent anonyme, l’atelier Dormal-Ponce se distingue par une traçabilité historique documentée, renforçant la valeur patrimoniale de ses productions.
Quatre biens classés comme trésors
L’ornement “Grand Rouge de Saint-Martin” – Cathédrale Notre-Dame, Tournai

© KIK-IRPA
Un ensemble somptueux de 15 pièces, dont six chapes — de longs manteaux de cérémonie — caractérisé par ses broderies d’or et d’argent sur fond de damas, un tissu de soie à motifs brillants obtenus par un jeu de tissage, et de velours rouge. Il incarne la transition stylistique de l’atelier Dormal-Ponce entre les années 1730 et 1740, avec un décor végétal foisonnant et une grande finesse d’exécution. Il est considéré comme l’ornement le plus important du corpus.
L’ornement Cotrel – Cathédrale Notre-Dame, Tournai

© KIK-IRPA
Pièce maîtresse du corpus, documentée par un contrat de 1730. Composé de 14 pièces, il est entièrement brodé de fils métalliques. Son décor baroque avancé, son coût élevé et son usage liturgique prestigieux en font un témoin exceptionnel de la richesse textile de l’époque.
L’ornement “Or” de Stavelot – Église Saint-Sébastien, Stavelot

© KIK-IRPA
Ensemble de 11 pièces, probablement commandé par l’abbaye de Stavelot. Il se distingue par son décor or sur or, sa grande authenticité (aucune restauration invasive), et sa parenté formelle avec l’ornement de Berlaymont. Il est un exemple rare de conservation intégrale.
Les chapes “Gouyasse” – Église Saint-Julien, Ath

© KIK-IRPA
Chapes emblématiques, elles illustrent la phase rococo de l’atelier, avec des broderies exubérantes, des motifs rocaille et une forte valeur ethnographique liée à la tradition vivante de la Ducasse d’Ath. L’une des deux chapes est, en effet, encore revêtue lors des Vêpres Gouyasse, célébrées chaque année le samedi précédant la Ducasse d’Ath, soit cette année le 23 août 2025.
Sept éléments inscrits comme biens d’intérêt patrimonial
Orfrois et chaperon – Musée royal de Mariemont

© KIK-IRPA
Fragments d’une chape démontée, acquis en 1912. Leur décor raffiné, apparenté à celui du Cotrel, et leur état de conservation exceptionnel en font des pièces précieuses pour l’étude des techniques de l’atelier.
Le dais de procession – Église Saint-Julien, Ath

© KIK-IRPA
Seul dais connu de la production Dormal-Ponce — un baldaquin mobile, souvent richement orné, porté ou monté sur un support pour accompagner des cérémonies religieuses — il témoigne de la capacité des brodeurs à adapter leur art à des formats inédits. Son décor rococo, sa rareté et son lien avec la vie religieuse locale justifient son inscription.
La chasuble violette – Église Saint-Julien, Ath

© KIK-IRPA
Pièce isolée, mais remarquable par la densité de ses broderies en fil d’or et l’absence de symboles religieux explicites. Elle présente une grande authenticité malgré le transfert de ses broderies sur un velours violet.
La chape de Trazegnies – Église Saint-Martin, Trazegnies

© KIK-IRPA
Chape hybride combinant des éléments de plusieurs ensembles. Elle se distingue par son décor élégant, son damas de soie blanc et sa parenté avec les chapes de Namur. Elle illustre la créativité et la réutilisation de motifs dans l’atelier.
La chape de Namur (armoiries de Bernard Burlet) – Cathédrale Saint-Aubain, Namur

© KIK-IRPA
Issue de l’abbaye de Floreffe, cette chape présente un fond richement brodé et des armoiries finement exécutées. Elle témoigne de collaborations entre ateliers et de la valeur symbolique des ornements.
L’ornement « or et argent » – Cathédrale Saint-Paul, Liège

© H Malice
Ensemble précieux de dix pièces (dalmatiques, étoles, manipules, voile de calice, bourse), provenant de l’abbaye Saint-Jacques à Liège. Il se distingue par une ornementation foisonnante, mais équilibrée, caractéristique de la première décennie de production de l’atelier.
L’ornement en velours rouge – Église Saint-Guibert, Gembloux

© KIK-IRPA

© KIK-IRPA
Livré en 1749 à l’abbaye bénédictine de Gembloux, cet ensemble de 11 pièces est l’un des rares à être conservé dans son lieu d’origine. Il illustre la phase rococo de l’atelier, avec un décor exubérant mêlant coquilles, crosses et rinceaux d’acanthe. L’ensemble est d’une authenticité remarquable, jusque dans ses galons d’origine.
Une démarche collective
Cette reconnaissance, ainsi que la sélection des biens concernés, est le fruit d’un travail collaboratif entre chercheurs (H. Malice, M. Gilbert, M.-A. Jacques, A. Dupont), experts de la Commission des Patrimoines culturels, membres du CIPAR (Centre interdiocésain du Patrimoine et des arts) et représentants de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle témoigne de l’engagement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à préserver, valoriser et transmettre un patrimoine liturgique d’exception. Le classement comme trésor ou l’inscription comme bien d’intérêt patrimonial confèrent en effet à ces œuvres une protection juridique renforcée. Cette protection est d’autant plus essentielle que les œuvres textiles, particulièrement sensibles à la lumière et à l’humidité, nécessitent des conditions de conservation strictes. Leur fragilité explique qu’elles soient rarement exposées au public, ce qui rend leur valorisation patrimoniale d’autant plus précieuse.
Nico Patelli